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Association des professeurs d'italien du Nord et du Pas de Calais

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Programme Lycée

Programme limitatif de l’enseignement de spécialité de cinéma-audiovisuel en classe terminale pour l’année scolaire 2023-2024

Le programme d’enseignement de spécialité de cinéma-audiovisuel (CAV) en classe terminale institue un programme limitatif de trois œuvres cinématographiques et audiovisuelles, publié tous les ans au Bulletin officiel de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Il est renouvelé annuellement par tiers. Au cours de l’année de terminale, chaque œuvre est abordée et analysée dans la perspective d’un ou plusieurs questionnement(s) précisé(s) par le Bulletin officiel de l’éducation nationale. Chaque œuvre permet donc d’actualiser concrètement l’étude d’un ou plusieurs questionnement(s) au programme de l’enseignement de spécialité cinéma-audiovisuel de terminale.

Pour l’année scolaire 2023-2024, les œuvres cinématographiques retenues sont les suivantes :

Secret beyond the door (Le secret derrière la porte) de Fritz Lang, 1947

High School de Frederick Wiseman, 1968

I Vitelloni (Les Vitelloni) de Federico Fellini, 1953

I Vitelloni, le troisième film de Federico Fellini (Rimini, 1920 – Rome, 1983), n’appartient pas à ce que l’on appelle communément « l’âge d’or du cinéma italien », qui débute avec les années 60, mais il s’inscrit dans une époque où le cinéma italien commence à rompre avec le néo-réalisme d’après-guerre. Les premières transformations sont perceptibles à l’orée des années 50 dans Miracle à Milan de Vittorio de Sica (1951), œuvre dans laquelle le réalisme se mêle au merveilleux, dans Stromboli de Rossellini (1950) ou encore dans Bellissima de Visconti (1951), où « la représentation du collectif s’étiole au profit de portraits individuels ». Elles se poursuivent avec la rupture politique que peut marquer en 1952 Umberto D. ou encore l’année 54 qui connaît la sortie conjointe de films aussi différents que La Strada de Fellini, Voyage en Italie de Rosselini, Senso de Visconti ou encore Un Américain à Rome de Steno.

I Vitelloni se situe au tournant : sorti en 1953, l’action du film se déroule au cours de cette même année – la première scène se passe pendant l’élection de « Miss Irena 1953 »  – et elle met en scène un type de personnage nouveau, « les gros veaux », que le titre français a rendu par « Les inutiles » : cinq hommes, « Tanguy » de leur génération, bien que trentenaires, vivent aux crochets de leur famille et passent leur journée en déambulations dans la ville ou sur la plage, en jeux, festivités diverses et flirts incessants. Ils sont hâbleurs, trompent, mentent, corrompent, volent, rien ne les arrête pour que, coûte que coûte, leur vie se déroule dans le farniente et les plaisirs épicuriens. « J’ai toujours raconté l’histoire du mâle italien, lâche, égoïste et puéril. Les femmes de mes films sont toujours vues à travers les yeux d’un protagoniste masculin qui est prisonnier de certains tabous, conditionné par une éducation catholique […] », commente Fellini. Pour autant, les personnages féminins ne sont pas particulièrement mis en valeur dans I Vitelloni : Sandra, l’épouse de Fausto, le « gigolo », est d’une naïveté à faire pleurer, quant à Olga, la sœur d’Alberto, fainéant et profiteur, gardien de la morale catholique, subit les défauts et les critiques de son frère sans sourciller, l’entretenant autant que de besoin. Confusément pourtant, ces personnages sont en quête d’une transcendance et d’une grâce (comme dans la scène burlesque du vol de l’ange) qui se trouvent caricaturées à leur contact et qui semblent les fuir.   

Ce film, constitué de saynètes qui s’enchaînent les unes aux autres, nous faisant passer d’un moment de vie d’un personnage à un autre, d’une scène entre les cinq amis à une autre, mime l’ennui et l’écoulement du temps dans une ville de province, probablement Rimini, que connaît bien le réalisateur puisqu’il y est né. Comédie, traversée par des scènes qui ne sont pas sans rappeler le mime – on pense par exemple à la scène dans laquelle Alberto se moque grossièrement des « lavatori » -, où les personnages (et le spectateur) s’amusent, I Vitelloni a aussi la saveur du drame que l’esthétique en noir et blanc, le jeu des ombres et des lumières viennent souligner  – cf. la scène entre Sandra et Fausto à la sortie du cinéma ou la chambre de Moraldo écoutant sa sœur pleurer – et qu’annoncent l’orage interrompant brutalement les festivités de la première scène ainsi que le motif, très fellinien, du « vent qui vient de la mer » et balaie tout sur son passage. Combien de temps pourra vraiment durer cette vie corrompue et idiote ?

La musique du film, celle de Nino Rota, qui travailla avec Fellini du  Cheik blanc en 1952 à Répétition d’orchestre en 1978, signa plus de 170 musiques de film et fut célébré aux Oscars de 1972 pour celle du  Parrain, met en évidence cette oscillation entre comédie et drame : musique de cirque, elle peut également être symphonie aux notes inquiétantes, tristes ou mélancoliques. On notera également qu’à deux reprises, notamment dans la grande scène du Carnaval, c’est la célèbre Nonsense Song que chante Charlot dans Les Temps modernes qui accompagne le bal où les couples, dansent joyeusement, se lient et se délient, cette musique, au titre signifiant, venant comme illustrer la thématique centrale du film. Ce sera le personnage le moins « Vitellono » des cinq qui quittera cette vie de non-sens : le frère de Sandra, Moraldo, s’en va en train, les bruits de la locomotive venant se poser sur les images de ses compagnons dormant dans la sérénité illusoirement retrouvée.

On étudiera plus particulièrement I Vitelloni dans la perspective des questionnements suivants :

Périodes et courants

Si le film s’éloigne du néo-réalisme historique, lié au droit d’inventaire par le regard d’une nation en reconstruction, il n’en récupère pas moins certains traits caractéristiques (la peinture sociale, le bilan d’une époque, l’inscription dans un paysage –  fût-il urbain) que Fellini fait sien et accommode de sa tonalité propre : autant Rossellini avait lancé, avec Rome ville ouverte, le néo-réalisme sur la voie d’un art de la juste distance, à la fois proche et loin, autant Fellini ne craint plus l’empathie, l’outrance, voire la nostalgie teintée de souvenirs personnels, avec ses vilains garçons.

À travers ces comparaisons de part et d’autre de la fin officielle du néo-réalisme, ce sont bien les mutations d’un courant cinématographique, principal vecteur de renouveau du cinéma de l’après-guerre, qui méritent d’être interrogées, et, au-delà, la manière dont s’écrit l’histoire du cinéma : par glissements et pivots autour d’œuvres centrales plutôt que par ruptures.  

Un cinéaste au travail

L’analyse de la genèse et de la production du film, appuyée notamment sur des documents spécifiques (notes de travail, extraits de scénarios, dessins préparatoires), permet de retracer les différentes étapes de la fabrication d’un chef-d’œuvre.

Se pose en particulier la question de la continuité fascinante de l’imaginaire fellinien à toutes les étapes d’élaboration du film : dès les dessins préparatoires, le film est là, dans une cohérence qui donne à ce processus créatif les allures d’une création continuée – qui pourra nourrir en retour celui des élèves.

Voir le dossier de Canopé sur le film (pdf) : LesVitelloni_dossier_pedagogique2